Québec : Pour une immigration qualitative
Seuls ceux qui ne s’informent pas ignorent …
En ces mois de septembre
et d’octobre 2023, quatre évènements politiques attirent l’attention des uns et
des autres. D’abord, au Québec, le rideau est tombé sur les travaux de la
commission des relations avec les citoyens de l’Assemblée nationale qui menait
une consultation, depuis le 12 septembre 2023 au 28 septembre 2023, sur la
planification de l’immigration pour la période 2024/2027 et sur la partielle de
Jean Talon (Capitale nationale) qui a vécu un vote sanction contre la CAQ au
grand bénéfice du parti Québécois. Ensuite, dans le reste du Canada, l’élection
à la présidence de la chambre des communes du premier Québécois de couleur et
au Manitoba celle d’un premier ministre autochtone constitue deux événements
non négligeables pour le pays.
Pour le Québec, l’élection
du candidat du PQ est un tour de force qu’il faut applaudir à la fois pour
signifier que la CAQ a fait de la politique politicienne et ne peut se jouer de
la confiance des citoyens comme elle l’entend alors que le parti souverainiste
(je n’aime pas ce concept et je lui préfère indépendantiste) a œuvré savamment
pour renaitre de ses cendres à charge pour sa direction et ses membres de
considérer tous les citoyens comme partie prenante de ce grand projet qu’est la
réalisation d’un pays.
De la planification
: On ne planifie pas le passé mais l’avenir
Ce sujet sur lequel tout
le monde et personne n’a de prise tellement il est complexe, la planification
de l’immigration reste un sujet sensible tant pour les Québécois que pour les
immigrants. Je laisse la question des
seuils d’immigration suggérés par le gouvernement et ses partenaires du marché
du travail aux spécialistes et autres experts pour nous informer de leur savoir
afrin de résorber la pénurie de main d’œuvre qui sévit dans cette partie de
l’Amérique du Nord, sachant la pression sur la vacance des emplois, estimé à
environ 200.000.
Cependant, quelques effets
et conséquences de ces seuils font que le manque de main d’œuvre expérimentée
provoque des mots de tête au sein des organisations qui ont la charge
d’accueillir, d’orienter et de soutenir les immigrants quant à leur intégration
socioculturelle et ceux qui ont la charge de leur insertion
socioprofessionnelle. Aborder la question selon un décryptage sociologique
n’intéresse pas beaucoup de monde mais l’immigration a des effets non seulement
sur la société d’accueil mais aussi sur les communautés ethnoculturelles.
Donc, parler du nombre
seulement en termes d’emplois à combler tout en mettant de côté les profils et
les qualités des immigrants c’est occulter bien des paramètres dont les effets
sur la société d’accueil sont tangibles. Mieux encore parmi les conséquences
multiples que j’anticipe la plus pénible est celle de voir, se reproduire,
encore et encore, une société québécoise à plusieurs strates sociales séparées.
Une société en silos. Comme dans les quartiers multiethniques de
l’agglomération de Montréal. Alors, se pose une question cruciale : comment
réussir l’inclusion, si chère à beaucoup, si à la base, les communautés en
provenance de bien des régions du monde sont séparées par des barrières
avérées, évidentes mais invisibles ?
Sur le plan professionnel,
le monde du travail est en perpétuelles transformations. Des changements de
fond notamment avec l’introduction de la numérisation, la robotisation et
l’utilisation des ordinateurs ont bien entendu des effets multiples sur les individus
que ce soit en rapport avec l’organisation professionnelle ou la société dans
son ensemble. Les habitudes de travail
changent et le facteur humain doit être observé autrement que par le passé.
L’apport de l’immigration est certes essentiel dans un Québec qui a un besoin
nécessaire et vital de se refaire et de se régénérer. Mais peut-il le faire
sans tenir compte des éléments les plus sensibles liés à son histoire, à son
identité, à la formation d’une société nouvelle ?
L’immigration et le
Québécois Nouveau
L’avenir du Québec
n’est-il pas dans le changement du profil citoyen ? Pour ce Québécois Nouveau
qui se dessine à l’horizon, l’apport de l’immigration est certes essentiel dans
un Québec qui a un besoin nécessaire et vital de se refaire et de se régénérer.
Mais peut-il le faire sans tenir compte des éléments les plus sensibles liés à
son histoire, à son identité, à la formation d’une société nouvelle ? Oui ! Le
Québec peut se refaire en changeant les attributs du citoyen actuel en ceux du
Québécois Nouveau. En revanche, l’apport de l’immigrant doit tenir compte des
paramètres communs et des paramètres spécifiques pour ne pas générer un
Québécois hybride qui fonctionne avec deux entités en lui.
Intégration
socioculturelle V/s cloisonnement et enfermement
Nous savons que la société
québécoise n’est pas structurée comme les sociétés d’origine (Africaine,
Asiatique, Européenne et Moyenne Orientale …) des immigrants que ce soit sur le
plan communautaire, culturel, identitaire et social. La cellule de base, soit la famille, est
totalement rénovée en fonction des changements sociétaux qu’a connu le Québec
depuis la révolution tranquille ce qui n’est pas le cas des autres cellules de
base des immigrants. L’égalité des droits y est consacrée. L’apport des
communautés est réduit à une simple présence dans la société sans les effets
positifs qui devraient découlés d’une participation citoyenne d’où
l’enfermement et le cloisonnement. Même, les jeunes immigrants qu’ils soient
arrivés avec leurs parents ou nés ici, finissent, presque tous, par s’enfermer
dans leurs communautés et deviennent les témoins d’un rejet qu’ils n’ont jamais
voulu et contre lequel ils finissent par s’ériger.
L’immigrant qui arrive
dans la province vit plusieurs chocs, largement documentés par des recherches
souvent ponctuelles et dont les recommandations lorsqu’elles existent sont sans
effets concrets sur les groupes sociaux. Les plus connus de ces chocs est celui
de la culture divisée en choc du départ et choc de l’arrivée. Mais aucune
recherche, du moins à ma connaissance, ne parle du choc industriel, du choc
thermique, du choc technologique, du choc de la non-reconnaissance des acquis
hors du Québec et du grand choc sociétal. En effet, l’immigrant observe et
constate, par exemple, que le fonctionnement des familles au Québec n’a rien à
voir avec celui qui est le sien et pour cause, d’où qu’il vienne le nouvel
arrivant ne connait que l’organisation patriarcale à qui il appartient. Il
s’agit d’un premier choc identitaire qu’il le confronte dans son nouveau
pays. Il s’y adapte en s’enfermant dans
sa communauté. Enfermement préconisé par le multiculturalisme du Canada. C’est
le lieu de génération de la colère, de l’angoisse, du stress, etc. qui
deviennent la source de mille et un trouble. L’une des premières conséquences
de cet état de fait est un enfermement sur soi qui ne dit pas son nom. Rien
n’est fait pour expliquer au nouvel arrivant l’évolution le développement, les
progrès – académiques, culturels, identitaires, industriels, commerciaux,
sociétaux - qu’a réalisé la société Québécoise en un peu d’un demi-siècle.
Insertion
socioprofessionnelle
L’industrie, le commerce
et tous les secteurs d’activités ainsi que l’éducation et la santé au Québec
ont des organisations qui ont été pensées et mises en œuvre par des québécois
pour des québécois. Ils se sont développés
depuis des décennies pour devenir à la fois performantes et efficaces mais en
ce siècle de changements majeurs des espaces, de l’environnement, des normes du
travail, de l’apport important des immigrants avec des statuts multiples, ils
ont atteint leur niveau d’obsolescence le plus critique. La nomenclature et les
organigrammes des emplois se modifient au fil des avancées professionnelles
qu’elles soient organisationnelles, fonctionnelles, technologiques et
logistiques en milieux industriel, commercial, dans les centres d’études et de
recherche, sans occulter le droit du travail, mais la mise à niveau des
définitions des tâches des emplois et des organigrammes ne semble pas être à
l’ordre du jour. Que ce soit en
provenance d’Europe, d’Afrique, d’Asie ou d’Océanie les nouveaux arrivants ne
font pas toujours le lien entre l’évolution de la société d’accueil et celle du
monde de l’industrie, du commerce, de l’éducation (tous paliers confondus), de
la santé ... etc.
Qu’en est-il des
jeunes ?
Le nouvel arrivant adulte,
qui arrive en famille avec un, deux, trois et parfois quatre enfants, vit une
autre problématique que celle vécue par un célibataire venu étudier au Québec.
Elle se décline par l’appréhension du futur pour les enfants. L’immigrant a
quitté son pays pour mille et une raisons et, notamment celle d’offrir un
avenir meilleur pour ses enfants. Cette situation prend une autre dimension
pour le célibataire qui vient étudier avant de s’installer au Québec mais une
fois marié (conjointe venant de son propre pays ou née elle-même ici au Québec)
lui apparait le spectre de la culture, du culte, de l’identité et de la langue
maternelle qu’il voudrait offrir à ses enfants ... Mais … il se heurte à bien
des tabous, des clichés, des préjugés, etc.
Ce que j’observe tous les
jours, malgré ‘’l’éducation nationale’’ souvent inadaptée aux attentes des
familles, c’est l’incertitude, l’inquiétude, la frustration innommables qui
génèrent des attitudes, des comportements, pas ou mal documentés, pour y faire
face. Ces nouveaux arrivants et leurs enfants se réfugient dans leur ‘’bulle’’
et ne participent pas aux développements et au progrès de la société
Québécoise, si ce n’est que pour résoudre des problèmes communautaires,
éducatifs et par extension sociaux sans risque de bénéficier des bienfaits du
système qui ne profitent qu’à ceux qui en ont appris les rouages et les
failles.
Les familles issues de
l’immigration veulent être considérées dans leur entièreté citoyenne. Des
programmes sociaux devraient être pensés et mis en œuvre rapidement pour une
meilleure intégration socioculturelle des nouveaux arrivants et de tous les
autres immigrants. La connaissance de la société d’accueil et le rapprochement
avec cette société devraient être privilégiés, non pas seulement, comme une
inclusion à sens unique mais une intégration multiforme en développant des
programmes d’ouverture à la société d’accueil, pour les familles et leurs
jeunes, issus de l’immigrations (éducatifs, culturels, industriels, etc…).
Par ailleurs, la métropole
Montréalaise, ne doit pas être vue comme une ‘’ile fermée’’ sur elle-même mais
s’ouvrir aux régions d’abord limitrophes et ensuite à toutes celles du Québec,
la réciproque étant valable. Cela pourrait se faire par le développement de
programmes d’exploration du Québec profond pour amener les jeunes à
s’intéresser aux régions, à leurs cultures, à leurs fonctionnements
institutionnels et même administratifs et voir la compatibilité avec leur
apport à tout le Québec.
Apprentissage du
français pour les allophones et pour les monolingues :
Une fois au Québec,
apprendre le français dispensé comme durant les années ‘’60 et 70’’ est une
d’une impertinence innommable alors que les immigrants viennent d’Asie,
d’Afrique, du Moyen Orient et d’ailleurs. Cela n’aide en rien à sa maîtrise. Il
est plus facile et plus simple de dispenser des cours de français pour un
immigrant en provenance d’un pays ayant subi la colonisation française que pour
un autre en provenance d’une ancienne colonie britannique, d’un pays
méditerranéen que d’un pays du pacifique.
La santé psychique
des NA
À la fin de la pandémie,
j’ai constaté trois paramètres troublants chez les nouveaux arrivants résident
au Québec depuis un peu moins de trois ans. Leur vulnérabilité après avoir été
confiné alors qu’ils n’avaient pas les moyens de subsistance minimale. (Aller
chercher de la nourriture à la banque alimentaire ne faisait pas partie de
leurs habitudes de vie - dignité oblige). La perception qu’ils avaient du
regard de membres de leur communauté était dégradante. Le fait de ne pas avoir
trouvé un emploi selon leurs attentes était considéré et reste considéré comme
une atteinte à leur intégrité professionnelle. Leur état de santé psychique
s’évaluait au niveau de la colère, de l’angoisse, de l’anxiété du stress qu’ils
vivent … et les inviter à visiter le CIUSS pour rencontrer un travailleur
social était un cheminement ne faisant pas partie de leur pratique sanitaire.
Conclusion
L’immigration ne doit pas
être seulement une réponse aux besoins quantitatifs dans le monde du travail.
Elle doit aller de pair avec la qualité des profils multiples de ces personnes
qui sont appelés en renfort pour stabiliser une démographie du Québec en chute
libre et des besoins tant industriels et commerciaux, culturels, sanitaires
qu’éducatifs. Retenons que pour arriver au Québec, les immigrants suivent des
étapes qui ont montré leur résolution à quitter leurs pays d’origine. Ils ont
aussi fait preuve d’entreprenariat et de respect des lois du pays d’accueil.
Ils ont répondu à divers critères qui ont permis leur sélection … cependant et
au comble de leur insatisfaction, ils constatent, une fois au Québec, qu’ils
doivent débuter, sans une certitude avérée un autre cheminement que personne
n’a anticipé. La première désillusion les confronte durant le premier mois de
leur installation avec pour conséquence le rejet de la société d’accueil en
raison de tous les nouveaux écueils qu’ils rencontrent sur leur cheminement
pendant au moins une décennie.
L’immigration doit être
qualitative avec une anticipation, une prévision, une programmation tenant
compte des besoins et des attentes de toute la société. En cette ère de grandes
incertitudes mondiales, elle doit viser à ne pas altérer en profondeur les fondements
de la société d’accueil et ne pas corrompre les attributs des groupes ethniques
en pensant que leurs progénitures de deuxième et troisième génération
s’intégreront totalement. Elle doit être pensée pour rassurer les communautés
ethniques que les valeurs auxquelles elles sont attachées pourraient être un
plus pour la société d’accueil et la réciproque étant vraie. L’immigration doit
être repensée pour faire partie d’un projet de société plus large et plus
globale. Celui d’un pays qui veut se renouveler et rester parmi les plus
progressistes et les plus accueillant au monde mais aussi selon les exigences
de la durabilité pour le Québec
Ferid Racim Chikhi