26 mai 2022

Malgré des mutations profondes du monde du travail

Les méthodes de recrutement stagnent, les profils des candidats changent
Observations et analyses : Les contraintes et les goulets d’étranglement
Pénurie de main d’œuvre, déficit de ressources humaines, profusion d’emplois, plus d’immigrants, moins d’immigration … sont quelques brefs énoncés pour résumer le dysfonctionnement profond qui déstabilise le monde du travail que ce soit dans les grandes villes du Québec ou ses régions. Selon les indicateurs économiques et statistiques scrutés par les journalistes, les chroniqueurs économiques, les analystes et autres socio-démographes ainsi que les managers, le Québec, malgré une marge de manœuvre limitée, est en situation critique pour faire fonctionner sa machine industrielle et commerciale. 
Cela dure depuis plus d’un décennie et parmi tant d’autres solutions l’immigration a été souvent avancée comme étant ‘’LA’’ solution appropriée. Cependant, anticipée comme étant la réponse à la profusion d’emplois inoccupés elle pêche par défaut en raison de l’inadéquation des profils accueillis versus les exigences du monde du travail. Certes, depuis l’arrivée de la CAQ à la tête de la gouvernance du Québec, des ajustements sont opérés mais il est évident que plus de 15 années d’errements néolibéraux, les procédures de déploiement des nouveaux arrivants restent obsolètes. Si l’on ajoute les interférences du fédéral, le nœud Gordien est difficile à défaire.
Des chefs d’entreprises alertent sans cesse que les facteurs en lien avec le vieillissement de la population ne sont pas pour aider à l’apport de solution pertinentes. Des analystes soutiennent que ce sont les bas salaires qui sont la cause de la mobilité des RH et créent ainsi des déficits d’occupation des emplois. On peut adhérer à ces deux idées d’autant plus que des résolutions audacieuses mises en œuvre en Ontario, par exemple, en relevant le salaire minimum à 15 $ et en accroissant l’accueil des immigrants a réduit les effets de la pénurie tout en envisageant de nouvelles solutions plus percutantes pendant que le Québec, l’Alberta et les autres provinces vivent des problématiques singulières.
Hors du Québec, dans le RoC !
Dans les grandes métropoles du Canada, d’autres obstacles encore plus significatifs confirment les déficits en main d’œuvre qualifiée. Et, à non point douter Montréal sera vite rattrapée par les loyers des logements, trop élevés pour les étudiants en provenance de l’étranger, du transport en commun ne desservant pas ou peu, les zones industrielles situées en majorité dans les périphéries … et bien entendu le plafonnement des salaires obligeant bien des commerces à revoir les heures d’ouverture et de fermeture de leurs succursales mais en maintenant le salaire minimum.  Ce qui ouvre la porte à une mobilité effrénée
La rareté de candidats opérationnels V/s la profusion d’emplois 
Au Québec, depuis la fin des années 2000, un constat maintes fois validé montre que les industries et les services font face, selon certains, à une pénurie de main d’œuvre (perte en novembre 2019 de 75.000 emplois) alors que même si le constat de la perte d’emplois est évident, pour d’autres, j’en fais partie, pensent qu’il s‘agit d’une profusion d’emplois nouveaux créés (25.000 en décembre 2019) grâce à la détermination en matière d’innovation opérée par les capitaines d’industrie du Québec, branchés sur les technologies nouvelles. Alors, au moins une question de fond se pose : Comment remédier au manque d’une main d‘œuvre qualifiée alors que des ressources humaines qualifiées de pertinentes et prêtes à occuper les emplois vacants sont ignorées par des employeurs hésitants pour ne pas dire réticents à recruter selon des critères objectifs des nouveaux arrivants et même des immigrants bien installés et adaptés aux conditions du pays ? 
Deux axes de réflexion sont projetés : des conversions majeures dans la pensée et dans la vision des organisations. Elles inciteraient à une mise au diapason des exigences industrielles et commerciales aux temps modernes : numérisation, technologies de l’information, robotisation. Le second axe est celui des adaptations des tâches des postes de travail aux attentes et exigences des opérateurs, ce qui veut aussi dire une révision des organigrammes des emplois et des nomenclatures.
Quelles autres solutions faut-il préconiser 
Dans l’industrie, les modifications organisationnelles des structures (département, services, ateliers…) ont déjà été tentées mais les résultats concrets et durables n’ont pas été suivi. Certes quelques-unes ont réussi à opérer les transformations attendues mais bien d’autres patinent encore. À cela sont venues s’ajouter, des contraintes managériales qui résident dans le manque de planification des effectifs pour anticiper les changements humains (mobilité, transferts, absentéisme …) ; la mise en adéquation des programmes et avantages sociaux pour la fidélisation des employés ; la flexibilité horaire pour accommoder les employés, etc. En revanche les aspect liés aux outils, aux équipements et autres instruments de travail telles que les procédures de fonctionnement et de gestion, parce que plus chers en investissements sont envisagés mais pas réalisables dans le court terme. Il existe un autre segment exogène aux entreprises mais qui les concerne directement, c’est celui des avancées et des changements potentiels permanents du monde du travail que l’on devrait observer dans les salons de l’emploi, or, ces organisations de rapprochement ne jouent plus le rôle attendu d’eux et pour cause, ils continuent, malgré quelques petits arrangements, à vivoter dans un passé industriel et commercial qui a subi de fortes transformations.
Comment procéder pour combler les postes vacants ou en voie de création ? 
Bien des managers et des gestionnaires des ressources humaines abordent la question mais certainement selon des angles inappropriés. Plusieurs réponses ont été mises sur la table telles que la flexibilité horaire ou pour d’autres l’aménagement horaire, la conciliation travail/famille, la formation de courte durée, la prime de voiture (amortissement et kilométrage), les loisirs et autres convenances pratiques, quelques-unes fonctionnent et d’autres sont vites abandonnées en raison du manque de budgets ou encore du confort acquis par des gestionnaires incertains face à une adaptation aux changements observés. En fait, l’essentiel, c’est-à-dire la vacance des postes est toujours d’actualité. Trois mots magiques remontent à la surface : Immigration - Fidélisation - Apprentissage en entreprise. Avant d’explorer de nouveau ces concepts, regardons ce qui se passe, même de manière succincte et essayons de poser quelques questions d’ordre pratique en ce qui a trait à la mise en œuvre des procédés nouveaux ou ceux préexistants.  Comment améliorer pour dépister, recruter et maintenir en emploi ou / et trouver la ressource humaine dont le profil formation, expérience et psychologique conviennent le mieux aux employeurs ?
Comment procède-t-on pour maintenir et fidéliser des employés en période de pénurie ? 
Les conditions de travail et les avantages sociaux ne sont plus suffisants pour maintenir un employé en poste longtemps après son recrutement, dans la même entreprise ou le même organisme. La concurrence est à l’affût, les compétiteurs ne sont pas seulement les autres employeurs mais aussi les agences de placement, les firmes de recrutements, les chasseurs de têtes, les firmes de reclassement, etc.  La conciliation travail / famille / sport / détente ainsi que la flexibilité horaire ou le travail à distance au-delà des règles de responsabilisation à l’endroit des collègues, de l’équipe, de l’entreprise exigent une nouvelle philosophie et une nouvelle culture managériale.
Il semble que ces deux concepts : nouvelle philosophie et nouvelle culture managériale ne sont pas l’apanage des employeurs. Ils manquent souvent de mise à niveau de leur savoir en la matière. Les attitudes, les comportements ainsi que le style de supervision restent dans le même créneau des relations professionnelles. La proximité entre les superviseurs et les employés est calquée sur celle du ‘’patron’’. Plus il est éloigné du terrain plus les chefs d’équipes et de services le sont des employés ce qui a pour effets la méconnaissance de leurs attentes. Ils n’en prennent conscience que lorsque ces derniers ont quitté l’organisation. Dans certains cas, des employeurs ont ‘’écouté’’ leurs collaborateurs qui ont découvert des incompatibilités avec les employés et ont poussé aux congédiements après quelques jours de travail et dans certains cas après plusieurs années ‘’qualifiées de loyaux services’’. Rigidité organisationnelle et fonctionnelle oblige, des dégâts aussi bien psychologiques que professionnels ont été constatés mais jamais mis en exergue. À partir de ces premiers constats les employeurs ont tout intérêt à réfléchir à moduler leurs relations avec les collaborateurs, à être plus près de leurs équipes et surtout à imprimer de nouvelles manières de gérer, superviser, guider et penser à comment faire de la loyauté et de la fidélité professionnelles des enjeux de leurs organisations.
Le dépistage et le recrutement des retraités
Le monde du travail a changé depuis la fin de la décennie ‘’00’’. Il y a eu l’intrusion des nouvelles technologies qu’elles soient celles portées par la numérisation ou celles de la robotisation sans exclure la modernisation des machines et des équipements existant. Cependant, une réflexion et une pratique doivent être développées sur la manière d’accueillir ces séniors notamment lorsque les 90% des employé-e-s sont des X et des Y. Les incompréhensions, les perceptions, les ruptures sont nombreuses et souvent elles paralysent l’organisation. La culture d’entreprise doit être ajustée pour de meilleures synergies particulièrement lorsque bien des employés sont issus de la diversité. Le défi est grand parce qu’il s’agit non seulement d’ajuster la culture pour l’accueil de l’immigrant ancien ou nouveau mais aussi de veiller à ce que la relation intergénérationnelle soit prise en considération. 
L’Immigration
Avec les retraités, on en est venu à considérer sérieusement le paramètre de l’Immigration. Certes, ce n’est pas la panacée parce qu’elle ne répond pas aux attentes des employeurs que ce soit du point de vue du contenu des qualifications, des expériences mais aussi et surtout des attitudes et des comportements conditionnés par des valeurs et des principes de vie différents de ceux du Québec. Majoritairement incompris par les Québécois, les nouveaux arrivants ont des profils ‘’inadaptés’’ au contexte industriel et commercial du Québec. Des programmes sont avancés et d’autres initiés par les ministères de l’immigration et celui de l’emploi. Les régions, qui connaissent la même problématique que la grande métropole de Montréal, réclament leur part d’immigrants. Des nouveaux arrivants sont ciblés et des visites aux villes des régions sont organisées mais les candidats ne se bousculent pas au portillon. L’expérience est jeune, dit-on, il faut être patient avant que des résultats concrets soient visibles et appréciés. Cependant, selon mes observations la contrainte majeure réside dans le profil des intervenants pilotant les opérations et les méthodes de mise en place. 
L’industrie et le commerce de leur côté ne peuvent pas attendre éternellement l’opérationnalité des solutions qui sont lentes à atteindre les objectifs assignés s’ils existent. Les entreprises doivent innover en matière de dépistage des candidats, de modification de leurs grilles des salaires et des avantages sociaux, d’adaptation de leurs procédures de gestion des RH que ce soit en ce qui à trait à l’organisation générale, du fonctionnement des structures et de l’organigramme des emplois. Le gros problème se situe aussi dans la disponibilité des budgets nécessaires et suffisants et bien entendu des compétences pour concevoir, pratiquer et conduire les transformations nécessaire à l’atteinte des objectifs de performance et de rentabilité.
Les organisations ont changé ou mieux encore les processus organisationnels ont été quelque peu ‘’lissés’’ c’est à dire que certains ont été soulagés de leurs anachronismes avec l’introduction de l’outil informatique ; des fusions ont été opérées en ce qui concerne les structures et/ou les organigrammes ; des procédures de gestion ont été harmonisées et adaptées aux besoins de rentabilité toujours en croissance, mais dans l’ensemble, les résultats ne sont pas partout probants. Le manque de personnel performant est critique et ressenti dans tous les domaines d’activités : Informatique et multimédias, hôtellerie et restauration ; électricité et plomberie ; peinture et revêtement ; aéronautique et mécanique … etc. Les déficits sont tels que l’option de faire appel aux retraités est privilégiée. Toutefois, les conditions exigées par ces employés potentiels ne sont pas au rendez-vous. Même l’aménagement horaire ne suffit pas à les intéresser. Les avantages qu’offrent ces retraités ne sont pas bien compris et appréhendés par les gestionnaires. Le ministère de l’emploi dit qu’il réfléchit à quelques innovations en matière de soutien approprié. Il faut attendre quelques mois avant que les décisions indispensables soient prises et mises en œuvre.  Pour clore cette réflexion, une idée à l’emporte-pièce réside dans la création d’un emploi de formateur ou encore d’accompagnateur pour les plus jeune, ce qui n’exclue pas du tout leur rôle d’employé expérimenté. 

Ferid Chikhi

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